L’argent public représente 40% d’un budget moyen de Pro A

La question de l’argent public dans le sport est vieille comme le monde. Doit-on laisser les collectivités financer des sociétés sportives professionnelles qui versent des salaires assez importants à des joueurs ou entraîneurs qui, pour certains, ne passent pas plus d’une saison dans le même club ? Les clubs dépendants des subventions ont-ils les mains libres pour développer leur structure de la manière la plus professionnelle qu’il soit ? S’il est principalement financé par les politiques, le sport ne risque-t-il pas d’être utilisé comme un outil électoral ? etc…

Alors que toutes ces questions alimentent un débat sans fin entre les « pro » et les « anti », un club de Pro A se retrouve aujourd’hui dans une situation paradoxale. En effet, si le HTV Basket aura, mercredi soir, la possibilité de se qualifier pour les demi-finales de Pro A sur le parquet de Nancy, dans les coulisses, le club est sur le point d’être rétrogradé en Nationale 1 pour des raisons financières. Le HTV a-t-il les moyens de s’en sortir ? Le club, comme l’ensemble du basket professionnel français, n’est-il pas trop dépendant des subventions et de l’argent public ?

Entre 450.000 et 1.000.000 € de déficit

Roland Palacio, le nouveau président du club varois, doit passer à nouveau devant la commission de la DNCCG le 6 juin prochain afin de défendre son projet et de permettre à son club de poursuivre son aventure parmi l’élite du basket français. Le HTV n’en est pourtant pas à ces premiers soucis avec l’instance de régulation financière de la LNB. En effet, il y a 6 ans, le club du sud s’était engagé à présenter des comptes à l’équilibre sous les 3 ans. Force est de constater que cet objectif n’a pas été atteint. C’est très certainement pour cette raison que la DNCCG n’a pour le moment pas donné son autorisation d’engagement en Pro A à Hyères-Toulon. Le problème serait en effet de l’ordre de 450.000 (selon Roland Palacio) à 1.000.000 € (selon les rumeurs). Un déficit qui pourrait donc représenter entre 21 et 47% du budget prévisionnel 2010-2011 présenté par le club en fin d’exercice 2009-2010.

Malgré tout, le nouveau président du HTV veut se montrer optimiste. Les collectivités, déjà très présentes dans le financement du club – voir ci-dessous –  devrait mettre une rallonge de 150.000 €. Le sponsoring privé devrait également augmenter. Palacio fait également remarquer que le club a déjà su éponger une dette de 350.000 € sur une exercice par le passé.

Le plus gros sponsor du basket français, c’est le contribuable

Avec plus de 1.700.000 € de subventions, le club du HTV se classe 4ème dans notre classement des clubs de Pro A* les plus dépendants de l’argent public. Cette manne financière représente en 2009-2010, 53% du budget totale du club. Beaucoup trop au sein d’une Pro A dépendante en moyenne de 40% de l’argent public, ce qui est déjà trop important comparé aux 2% du football (clubs de L1) et aux 9% du rugby (clubs du Top 14).

Le mauvais élève de Pro A niveau indépendance vis à vis des collectivités territoriales est Paris-Levallois, dépendant à 71%. A l’opposé, le club de la Chorale de Roanne est celui qui fait le moins appel aux deniers publics puisque son budget ne repose qu’à 22% sur l’argent public. Les écarts sont donc très importants. On peut également faire ressortir quelques tendances. Par exemple, il semble que plus votre budget est dépendant des collectivités publiques et moins votre équipe est compétitive et inversement (il y a bien entendu des exceptions).

Les clubs de Pro A sont encore trop dépendants de l'argent public.


Développer le sponsoring et les ressources propres

La structuration des budgets de nos clubs de basket posent énormément de questions. Dans une économie où l’industrie du sport devient de plus en plus une industrie du spectacle et de l’entertainement, le développement de la LNB et de ses clubs ne passe-t-il pas par une recherche de l’indépendance vis à vis des politiques, des subventions et de l’argent public ? Car, lorsque que 40% de vos ressources dépendent des politiques, votre capacité à négocier avec eux, sur des sujets aussi importants que la construction d’une salle multifonctions par exemple, risque d’être faible. Car qui dit dépendance financière dit aussi dépendance décisionnelle. Souvent, nos clubs sont malheureusement dirigés en « sous-marin » par les élus locaux. Et ce qui est bon pour un élu ne l’est pas forcément pour l’entreprise qu’est le club.

Si j’avais un conseil à adresser à Monsieur Palacio, ce serait le suivant.

Devant la DNCCG, ne parlez pas d’une possible subvention supplémentaire, qu’elle soit de 150.000 ou de 500.000 €. Ne parlez pas non plus de nouveaux sponsors. Non. Attachez-vous plutôt à prouver à vos interlocuteurs, qui sont des auditeurs financiers, que votre club, le HTV, souhaite mettre toute son énergie et toutes ses compétences à développer ses ressources propres et acquérir ainsi une certaine indépendance financière vis à vis des ressources qu’il ne maîtrise pas.

Présentez en premier lieu une politique de développement de votre billetterie et de vos recettes liées aux rencontres que vous organisez dans votre salle. Ce sont vos ressources propres, celles que vous êtes censées pouvoir le plus maîtriser. Il est donc judicieux de penser que c’est un poste qui, si l’on s’y intéresse suffisamment, peut ne pas descendre sous un certain niveau plancher.

Insistez ensuite sur la structuration de votre offre commerciale en tentant de prouver que celle-ci est indépendante au maximum des résultats sportifs de votre équipe et qu’elle est basée avant tout sur la qualité de prestation et la différenciation de service. De la même manière, vous serez ainsi capable de budgéter un niveau de revenus minimum sur ce poste.

Et psychologiquement il est important de prouver à vos interlocuteurs que le budget de votre club ne dépendra pas du résultat sportif de votre équipe. Si celle-ci rencontre le succès, vous saurez bien entendu en bénéficier et faire fructifier financièrement parlant ses victoires. Mais si elle rencontre des difficultés, votre politique marketing et commerciale doit être suffisamment saine et cohérente pour vous assurer des ressources minimum, qui constitueront votre budget prévisionnel. La démarche, détachée des aspects sportifs, devrait avoir plus de chance de capter l’attention de cet auditoire.

Alors seulement, vous pourrez avancer que les collectivités territoriales sont déjà prêtes à vous accompagner à hauteur de 150.000 ou 500.000 € et que de nouveaux sponsors privés vous ont accordé leur confiance pour la saison prochaine. Ces exemples viendront valider votre discours et votre nouvelle politique de développement, axée sur l’accroissement de votre indépendance financière et de la qualité de vos services.

14 réflexions sur “L’argent public représente 40% d’un budget moyen de Pro A

  1. Tout d’abord, bravo pour ce blog.
    Je l’ai découvert il y a peu, et je le trouve très intéressant, notamment au niveau de l’angle d’attaque (marketing…). Certains de vos articles mériteraient publication dans BasketNews.

    Pour revenir à l’article en lui-même, on peut se demander si les subventions publiques ne sont pas là pour compenser la faiblesse des droits TV. Il apparait clair que les droits de retransmission du foot et du rugby sont une manne pour les clubs qui leur permettent une (plus grande) indépendance vis à vis des politiques…quoique, la construction des stades (celui de Lyon, de Lille ou encore à St Etienne) est souvent une affaire politique.

    Par ailleurs, quand vous dites que les clubs sont dirigés en « sous marin » par des élus locaux, je pense que le mot « sous-marin » est de trop. Il serait intéressant de relever la « profession » des présidents de club ou des actionnaires principaux.
    Ainsi, D.Juillot le président de Chalon est maire de Mercurey, il fut député de Saône et Loire, etc…A l’ASVEL, on a pu observer des luttes internes entre JP Bret (maire de Villeurbanne et contributeur au budget) et B.Rivalta (conseillé municipal de Vénissieux et administrateur du club) sur la localisation de la future grande salle. De même, on ne peut pas nier l’influence de P.Balkany sur le PL.

    Enfin, lier négativement l’importance du financement public aux résultats me semble tautologique. L’argent public vient compenser une faiblesse du sponsoring privé, et qui dit sponsoring faible dit faible budget, et donc faibles résultats.
    On peut prendre l’exemple de Vichy où le président Jonon se désolait dans une ITW à BasketNews de ne pas pouvoir bénéficier d’un plus grand soutien public (notamment pour avoir une nouvelle salle). Le Havre et Poitiers semblent être au taquet niveau ressources publiques, d’ailleurs le club normand a ouvert son capital récemment et s’est mis en chasse de nouveaux sponsors afin de pouvoir grandir.

    Lint

    1. Bonjour Lint et merci d’intervenir sur le blog. C’est très intéressant d’avoir des avis comme le vôtre qui permettent de débattre et d’échanger.

      Concernant l’article, il est certain que le basket ne pourra faire sans les subventions ni l’argent public. De même, l’influence des politiques et élus locaux peut avoir du bon pour un club. Bien entendu (mais il faut bien que je noircisse le trait un peu :D). Je reste malgré tout persuadé qu’un club doit tout mettre en oeuvre pour s’émanciper de cette tutelle invisible. Le but n’est pas de faire sans les subventions, non. Le but est de ne pas en être dépendant. Car viendra un jour où le club que l’on dirige aura besoin de négocier les yeux dans les yeux avec les élus locaux. Viendra un jour où les décisions que le président d’un club devra soutenir ne seront pas forcément bonnes pour l’élu local. Le club est une entreprise qui a une vie propre et ses propres besoins qui ne coïncident pas forcément avec ceux d’une ville ou d’une municipalité.

      Il y a aussi la question de la légitimité d’une subvention. Repose-t-elle sur le travail accompli par le club, les dirigeants et les salariés ? Est-elle tout simplement le produit d’un travail du club ? Est-elle méritée ? Ce caractère de « ressource due » peut être dangereuse pour les clubs. Car quand vous ne faites rien de particulier pour rassembler plus de 50% de votre budget, cela ne vous incite pas à être efficient tant dans votre politique d’entreprise que dans vos décisions. Cela ne vous encourage pas à avancer et vous développer. Il y a un certain confort qui peut être dommageable à long terme.

      Plus que le manque au niveau des droits Tv, qui sont tout de même parmi les droits Tv de basket les plus élevés en Europe (c’est mieux que l’ACB par exemple), je pense que les subventions sont surtout là pour masquer le manque de structuration et le manque d’esprit d’entreprise de certains de nos clubs. Le développement des ressources propres devrait être une ambition partagée par tous les présidents de Pro A et de Pro B. Malheureusement, ils sont peu nombreux à envisager cet aspect, préférant souvent encourager les élus à augmenter leur implication via les subventions.

  2. Poitiers , recette sponsoring = 0 ????????????????????????

    Paris, 3 M d’euros de recettes spectateurs …???????????

    Expliquez moi je pige pas ……

    1. Attention, vous confondez « sponsoring privé » et « sponsoring public ».
      Il n’est pas dit que Poitiers à 0 € de sponsoring mais 0 € de sponsoring public (des collectivités mais différent d’une subvention).
      Et il n’est pas dit non plus que Paris à 3.000.000 € de recettes spectateurs. La colonne « Total apport public » est égale au montant de la colonne « subventions » + le montant de la colonne « sponsoring public » (soit le sponsoring signé avec les collectivités). Les 2.898.000 € sont donc les ressources du Paris-Levallois issues directement des collectivités territoriales.
      Dans cet article, aucun chiffre n’est avancé quant au sponsoring privé ou aux recettes matchs des clubs.

  3. Peux tu nous dire en comparaison, quels sont les montants de subventions dans les clubs de Ligue 1 de Foot …

    Je sens poindre le scandale….

    1. En 2009-2010, le montant des subventions directes versées aux clubs de Ligue 1 s’élevait à 18.370.000 € soit 918.500 € en moyenne. En comparaison, les clubs de Pro A perçoivent en moyenne plus d’1.200.000 € de subventions. Ces chiffres, tant pour le L1 que pour la Pro A, ne prennent pas en compte le sponsoring public.
      Toujours en 2009-2010, le montant des subventions directes versées aux clubs de Ligue 2 s’élevait à 15.320.000 € soit 766.000 € en moyenne.
      Les subventions directes représentent 2% du budget d’un club de Ligue 1 et 8% d’un club de Ligue 2 (7% du budget d’un club de rugby du Top 14 et 13% du budget d’un club de rugby de Pro D2). Le foot n’est pas dépendant de l’argent public même s’il en perçoit, comme tous les sports. Il est par contre dépendant des droits Tv, à 58% pour les clubs de L1 et à 51% pour ceux de L2. Et c’est aussi un problème, on le voit aujourd’hui lorsque Canal+ n’a plus de concurrent pour l’attribution des droits. Aujourd’hui, les droits tv ne sont peut-être pas plus « légitimes » que les subventions.

  4. Bonjour Nicolas,

    Article hyper-intéressant, je ne connaissais pas le blog, je prendrai temps de lire les autres articles et je n’hésiterai pas à les commenter.

    Bonne continuation

  5. Bonjour,
    Tout d’abord bravo pour le blog, je le consulte depuis quelques mois et c’est une vraie bouée d’oxygène par rapport à l’immobilisme et au caractère rétrograde de certaines analyses concernant ce sport en France.

    Concernant l’article qui traite des subventions et du sponsoring public, j’aimerai savoir si vous pourriez produire un tableau évolutif sur plusieurs saisons. Ainsi que la prise en compte des locations de salle (dans le cas du msb et de pau, la location de la salle représente un investissement important). Ca permettrait de relativiser certains chiffres le cas échéant.

    Quoiqu’il en soit, ce genre de données ne peut que conforter les partisans du naming (mon cas, et le votre il me semble) puisque le sponsoring public à défaut d’être marginal reste globalement limité. Ou plus précisément, une « marque » (les collectivités le sont dans une certaine mesure) privée pourrait investir sensiblement davantage que les montants présentés dans ce tableau et pour une bonne partie des équipes. Le tout étant une question de retour sur investissement.
    Cela dit, les collectivités ont réellement une image à « vendre », un dynamisme à entretenir, des partenaires, investisseurs, chercheurs parfois, touristes à séduire. Les considérations électoralistes me semblent malgré tout assez réduites, d’autant qu’il arrive assez souvent que les collectivités impliquées (conseils généraux et mairies en gros) soient de bords différents.
    Idéalement, nos clubs devraient chercher à faire coexister les deux procédés, ce qui est le cas principalement dans les ligues du sud européen (Italie & Espagne en tête), mais également en Allemagne.

    De même, j’aimerai bien qu’on ait un focus sur la société vega qui exploite beaucoup de grandes salles/grands stades en France. Dans le cas d’antarès, je suis toujours surpris du fait que malgré l’amortissement de la salle, le montant qui semble dévolu à vega (par délégation de service public, autrement dit par la Mairie du Mans) reste stable. Si vous avez accès à des chiffres et des données précises à ce sujet, je suis preneur.

    Raph.

    1. Bonjour Raph et merci pour ce message.
      En effet, la question des sociétés dont la mission est de gérer les enceintes telles qu’Antarès est très peu abordée en France. C’est pourtant entre les mains de ces sociétés que reposent une partie de l’avenir de notre sport. C’est aussi dans leur main que transite l’argent créé par ces « nouveaux centres de profits ». Si le basket veut grandir via les Arénas, il doit aussi s’impliquer dans ces sociétés.
      J’avoue ne pas avoir d’information sur la société Vega dont vous parlez.
      Pour les chiffres liés au subventions et au sponsoring public, j’essaierais bien entendu de faire un tableau évolutif si j’arrive à récupérer à nouveaux ces données. Ce qui n’est pas toujours aisé.
      Concernant l’implication des collectivités et leurs besoins en communication, je vous rejoins complètement. Le basket ne peut pas faire sans ce sponsoring public. Il doit simplement mieux structurer son offre pour que ces sommes ne soient pas, trop souvent, des subventions déguisées, ce qui les rendent fragiles.

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